Marie-Madeleine, la sainte (au) parfum
Confronté aux récits évangéliques, le personnage de Marie-Madeleine peut être considéré, en lui-même, comme un produit de la réception de ces textes dans l’Occident médiéval. La sainte est en effet une figure synthétique constituée à partir de deux, voire trois femmes rencontrées par Jésus, toutes associées de façon plus ou moins explicite au domaine du parfum ou de l’olfaction.
Le geste le plus emblématique prêté à « Marie-Madeleine » est d’avoir répandu sur les pieds de Jésus un vase de nard précieux – et c’est le geste d’une femme en qui la tradition a voulu voir une prostituée. Elle fait ainsi passer le parfum du registre de l’érotisme à celui de la dévotion et de la mystique. Mais c’est encore en tant que pécheresse que, dans le versant provençal de son hagiographie, la sainte apparaît sous les traits d’une pénitente – et aussi d’une élue privilégiée : elle est élevée au Ciel sept fois par jour depuis la caverne, la Sainte-Baume, où elle mène une vie érémitique.
L’hypothèse qui sera ici développée est que l’agrégat d’actes et de qualifications par quoi se construit l’identité de Marie-Madeleine trouve sa cohérence si l’on y voit l’effet d’une mythologie des parfums, héritée pour l’essentiel de la Grèce ancienne, qui trouve dans la sainte une sorte de cristallisation. Outre les textes des Evangiles, les documents utilisés seront principalement des légendes médiévales et des sources iconographiques.